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29/08/2011

N’oubliez pas la Nubie !


Site de Jebel Barkal

Ta Khent, ou terre du commencement était un des noms que les Égyptiens anciens donnaient à la Nubie, si les noirs des temps anciens avaient une grande considération pour cette région, nous ne pouvons pas en dire autant des noirs des temps modernes, fascinés par la civilisation s’étant développée au nord d’Eléphantine, l’Egypte et survolant sa mère, la Nubie. Il est vrai que la Nubie n’a jamais passionné autant que l’Égypte et pourtant voici quelques chiffres qui pourraient nous faire réfléchir. Au début du XXème siècle, l’africaniste français Maurice Delafosse constate que les nègres peuplent la vallée du Nil des sources du fleuve à la première cataracte et qu’ils y côtoient les arabes, aujourd’hui la limite septentrionale du peuplement noir a tendance à reculer vers le sud, recul amorcé dès le premier millénaire avant l’ère européenne. Ce pays des noir, en arabe Soudan contrairement aux idées reçues a une richesse archéologique au moins égale à son voisin du nord, pour ne citer que les pyramides, le Soudan en compte 200 tandis que l’Egypte en compte un peu plus de 100, et deux fois plus de tombeaux signifie aussi deux fois plus de textes donc deux fois plus de réponses, et deux fois plus de découvertes. Du peu d’intérêt suscité  par la Nubie découle une certaine faiblesse informative relative à cette région mais également des lacunes en égyptologie, il semble que les eurocentristes aient préféré laisser certaines questions sans réponses plutôt que de chercher ces réponses au coeur du pays noir, bien-sûr il ne serait pas justifié de faire le même procès aux afrocentristes, mais il semblerait adéquat de changer certains aspects de l’approche que font les historiens des relations entre l’Afrique antique et l’Afrique moderne traditionnelle.

Sphinx de Taharqa, Roi de Napata et d'Egypte 

Bien souvent lorsque les ethnologues afrocentristes entreprennent de comparer la civilisation Africaine actuelle ou plutôt ce qu’il en reste aux civilisations Africaines antiques, ils ont tendance à comparer directement le peuple Africain en question à l’Egypte et seulement à l’Egypte sans même évoquer la Nubie et cette méthode est maladroite, imaginez une seconde qu’un ethnologue, pour comprendre les similitudes entre Américains et Australiens faisait l’impasse sur l’Angleterre ! La Nubie est le coeur de la civilisation Africaine, c’est en Nubie que tout est né, Hérodote nous apprend même que l’Egypte est une colonie des noirs de Nubie,  le reste de l’Afrique noire est un ensemble d’évolutions de la base nubienne. Malheureusement, la Nubie est encore largement méconnue mais qu’attendons nous pour la découvrir ? La renaissance Africaine signifie également pour nous la redécouverte de notre patrimoine sans le concours d’archéologues européens.

Ruines de la cité de Kerma

Après cette remarque, il me semble utile de préciser ce qui se cache derrière le terme Nubie. Cette région correspond dans son sens le plus large à une partie de la vallée du Nil dont la limite méridionale se situe à l’actuelle ville de Khartoum, où Nil bleu et Nil Blanc se rejoignent et dont la limite septentrionale se confond avec la Haute égypte. Pour les Égyptiens anciens, Ta-Sety le premier nome se situe en Nubie. Politiquement parlant, la Nubie n’a Jamais été un Etat. Cependant elle a connu différentes constructions Étatiques et s’est aussi régulièrement confondue avec l’Égypte à l’origine même, à l’époque de Narmer, il semble que les Nubiens et les Egyptiens ne firent même pas de distinction entre ce qui allait devenir l’Egypte Pharaonique au nord et le royaume de Kush, au sud s’en suivit alors pour les deux pays une succession de dépendances et d’indépendances. Et ceci explique la présence d’éléments Égyptiens chez des peuples n’ayant pas forcément habité l’Égypte même, mais qui par leur simple présence dans la vallée du Nil ont reçu de l’Egypte autant qu’ils lui ont donné.

Osiris Nubien en bronze

D’ailleurs, on remarque que quand la civilisation Egyptienne fut menacée, ce sont les nubiens qui vinrent à son secours, abritèrent ses habitants fuyant la tyrannie  des envahisseurs et engendrèrent sa renaissance artistique et spirituelle, c’est la période où Napata est la capitale de l’Egypte et lors de laquelle les rois de Napata, dont les célèbre Piankhy portent alors le titre de pharaon, et quand l’Egypte passa définitivement sous domination extra-africaine, la culture que l’on qualifie à tort d’égyptienne continua de prospérer en Nubie, le plus brillant exemple étant la civilisation Méroïtique qui vit sa fin au Ier siècle avant JC lorsque la totalité de la Nubie passa sous contrôle Romain, et ce fut la fin de la culture « égyptienne » ou tout simplement Nilotique dans la vallée du Nil et seulement dans la vallée du Nil, car celle ci s’est étendu à toute l’Afrique (dans les limites du peuplement noir à la fin de l’antiquité) par l’intermédiaire de migrations et d’échanges.

Chacal méroïtique en or

Pour résumer, il est plus judicieux de considérer que la civilisation Africaine est un vestige d’une sorte d’empire colonial Nubien et non Égyptien, l’Égypte n’étant qu’une partie de cette aire culturelle ainsi nous n’héritons pas directement de l’Égypte, nous héritons de la culture nubienne dont l’Égypte est également héritière. Et d’une certaine manière, cette focalisation sur l’Egypte est inappropriée, et injuste pour reprendre l’exemple anglo-saxon on peut dire que le Wolof prétendant descendre de l’Egyptien est comme l’australien prétendant descendre de l’Américain parce que celui ci est plus connu et plus puissant, la vérité est que le Wolof descend entre autre du Nubien, et  que l’Australien entre autre descend de l’Anglais le lien direct Nubie-Afrique moderne étant plus fort que le lien Egypte-Afrique et pour accepter cet état de fait, il faut entamer un travail de revalorisation et de la Nubie.

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