Il existe une croyance communément admise chez les Blancs, selon laquelle la philosophie proviendrait des Grecs.
Cette idée est si répandue que la
plupart des livres consacrés à celle-ci font tout commencer avec les
Grecs comme si les Grecs servaient de point de repère pour tout les
autres peuples quand il s’agit de discourir au sujet des concepts de
beauté, d’art, de numérologie, de sculpture, de médecine ou
d’organisation sociale. En fait, ce dogme occupe une position centrale
dans les systèmes académiques occidentaux et cela englobe aussi les
différentes universités et académies d’Afrique
Cela fonctionne à peu près de cette manière :
La philosophie est la plus prestigieuse des disciplines
Toutes les autres disciplines proviennent de la philosophie.
La philosophie est une création des Grecs.
Les Grecs sont des Blancs.
Les Blancs sont donc les créateurs de la philosophie.
Observés à travers ce présupposé, les
autres peuples, les autres cultures peuvent certes, développer des
formes de pensées, comme le Chinois Confucius, mais elles ne sont pas
forcément assimilables à une philosophie. Le Peuple Africain peut très
bien avoir une religion, des mythes, mais pas de philosophie, si nous
continuons à suivre ce même mode de raisonnement. Il est clair qu’une
telle notion privilégie les Grecs, dans la recherche de l’origine de la
plus prestigieuse des sciences, la philosophie.
Ce type d’analyse pose un sacré
problème. L’information, en elle-même, est fausse. Aussi loin que
l’érudition savante peut révéler l’origine du mot philosophie, il
apparait que celui-ci ne provient pas de la langue grecque, bien qu’il
fut introduit dans la langue française par l’intermédiaire du grec.
Selon les dictionnaires étymologiques du grec, l’origine de ce mot est
inconnue. C’est uniquement le cas, si on recherche cette origine en
Europe. La plupart des Européens qui écrivent des livres sur
l’étymologie ne considèrent pas le Zulu, le Xhosa, le Yoruba ou
l’Amharique, lorsqu’ils parviennent à se déterminer au sujet de ce qui
est connu et de ce qui est inconnu. Ils n’imaginent jamais qu’un terme
utilisé dans une langue européenne puisse provenir d’Afrique.
Le mot philosophie tel qu’il nous
parvient par l’intermédiaire du grec, comporte deux parties, « philo »
qui signifie frère ou amoureux et « sophia » qui veut dire la sagesse ou
le sage. Ainsi, un philosophe est en fait, appelé un « amoureux de la
sagesse. »
Ce mot, « Sophia », provient d’une
langue africaine, les Mdw Ntr, la langue de l’Ancienne Egypte, où le mot
« Seba » signifiant « le sage » apparait pour la première fois en 2052
avant J.-C. dans la tombe d’Antef I, bien longtemps avant l’existence de
la Grèce et du Peuple Grec. Ce mot évolua en « Sebo » en copte et en
« Sophia » dans la langue grecque. De la même façon que le Philosophe
signifie étymologiquement, « l’amoureux de la sagesse », « Seba »,
signifie le Sage, dans les écrits figurant dans les anciennes tombes des
Egyptiens.
Diodore de Sicile, l’écrivain grec, dans
« De l’Egypte » écrit au 1er siècle avant le Christ, dit que ceux qui
sont « honorés parmi les Grecs pour leur intelligence et leur savoir,
allèrent en Egypte durant les temps anciens où ils s’imprégnèrent des us
et coutumes du pays, tout en reçevant des enseignements. Les prêtres
d’Egypte ont conservé dans leurs textes sacrés, le fait que dans les
Temps Anciens, ils reçurent la visite d’Orphée, Musaios, Mélampos,
Dédale, avant le poète Homère, Lycurgue de Sparte, Solon l’Athénien et
Platon le Philosophe, Pythagore de Samos, ainsi que le mathématicien
Eudoxe, aussi bien que Démocrite d’Abdère et Oenopide de Chios. »
Il est évident que de nombreux Grecs qui
étudièrent la philosophie allèrent faire leur apprentissage en Afrique.
Ils y allèrent pour de nombreuses raisons, toutes d’ordre intellectuel.
On peut constater que les Grecs appréciaient le fait qu’en Egypte il y
avait des hommes et des femmes excessivement doués et possédant un
grand savoir, tout comme les Egyptiens appréciaient le fait qu’il y
avait en Ethiopie des hommes et des femmes possédant des connaissances
encore plus vastes.
Hérodote nous dit dans ses écrits du
5ème siècle avant J.-C. dans « L’Enquête », Livre II, que les Ethiopiens
disaient que les Egyptiens n’étaient rien d’autre qu’une de leurs
colonies. Bien sûr, aujourd’hui un Système Global de Falsification de
l’histoire, des expériences et de la connaissance sur le Peuple
Africain, créé pendant les cinq cent dernières années correspondant à la
Conquête Européenne, demeure en place. Une rhétorique basée sur le déni
de l’intelligence africaine fut développée dans le but de légitimer la
mise en coupe réglée du continent noir. Cet action se situa au plus fort
de la conquête européenne de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique. La
Colonisation n’était pas qu’une question purement foncière. Il
s’agissait aussi de coloniser l’information au sujet de la terre dont il
était question. Je pense que les Anciens en savaient beaucoup plus que
nos contemporains, au sujet de l’importance de l’émigration pour des
raisons liées à l’éducation, des non-africains sur le continent noir.
L’Allemagne, la France, l’Angleterre,
l’Italie, les Etats-Unis ou l’Espagne n’existaient pas encore. Elles
n’étaient donc pas là pour disserter au sujet du moment à partir duquel
les Grecs commencèrent à voyager en Afrique pour leurs études. En fait,
ces derniers allèrent d’abord en Afrique et ensuite, ils retournèrent en
Grèce créer l’Age d’Or de la Grèce. Celui-ci ne peut pas être situé
avant, mais plutôt après leurs études en Egypte où ils reçurent une
éducation très sophistiquée. Ce que je veux dire, c’est qu’ils ont du
aller en Afrique et étudier auprès de l’Ancienne Egypte, auprès des
Hommes Noirs, dans le but d’apprendre la médecine, les mathématiques, la
géométrie, l’art, etc… C’était bien avant la naissance d’une quelconque
Civilisation Européenne.
Pourquoi est-ce que les philosophes
grecs étudièrent en Afrique ? Thalès, le premier philosophe grec et le
premier d’entre eux qui a étudié en Afrique, dit avoir appris la
philosophie auprès des Egyptiens. Les Grecs étudièrent en Egypte parce
que celle-ci était le Centre Intellectuel de l’Antiquité. Pythagore a
passé vingt deux ans en Afrique. On peut obtenir une sacré formation en
vingt deux ans, peut-être même aller jusqu’au doctorat ! Les Grecs
voulaient mettre la main sur les recherches philosophiques que les
Egyptiens avaient entreprises. Quand Isocrate évoqua ses années de
formation dans le livre Busiris, il dit : « j’ai étudié la philosophie
et la médecine en Egypte. » Il n’a pas étudié ces sujets en Grèce, en
Europe, mais en Egypte, c’est à dire en Afrique.
Non seulement le mot « philosophie »
n’est pas grec, mais la pratique elle-même désignée sous ce nom,
existait bien avant les Grecs. Imhotep, Ptahotep, Amenemhat, Merikare,
Douaouf, Amenhotep fils de Hapou, Akhenaton, et le sage de Khounanoup,
sont des philosophes africains qui vécurent bien avant que la Grèce
exista et bien avant l’existence des philosophes grecs.
Les Africains arrêtèrent de construire
des pyramides en 2500 avant J.-C., 1700 ans avant que Homère, le premier
écrivain grec n’apparaisse.
Et quand celui-ci commença à écrire
l’Iliade, il ne consacra pas de temps, en guise de prélude, à disserter
sur les événements qui avaient eu cours en Afrique. Les Dieux Grecs se
rencontraient en Ethiopie. On dit de Homère qu’il a passé sept ans en
Afrique. Qu’a t-il pu apprendre dans ces écoles avec ces enseignants
pétris de sagesse ? Il a très bien pu apprendre le droit, la
philosophie, la religion, l’astronomie, la littérature, la science
politique et la médecine.
Les Africains n’ont pas attendu les
Grecs pour concevoir la construction des pyramides. Pourriez-vous
imaginer les Egyptiens dans les carrières sur les bords du Nil en 2500
avant J.-C., se mettant à spéculer au sujet de la venue d’un Européen
qui viendrait les aider à mesurer la circonférence de la terre, à
évaluer la force du vent, à mesurer la profondeur, à calculer le lever
héliaque de Serpet (Sirius), ainsi que l’inondation du Nil et à faire
des diagnostics sur telle ou telle maladie ?
Si on se réfère à Hérodote dans
« L’Enquête », Livre II, les Colchidiens étaient des Egyptiens « parce
que comme les Egyptiens ils ont la peau noire et les cheveux crépus. »
Aristote dit dans « Physiognomonica », que « les Egyptiens et Ethiopiens
sont excessivement noirs. »
Guidée par le Pharaon de l’Histoire
Africaine, Cheikh Anta Diop, une nouvelle génération d’universitaires a
émergé pour remettre en question tous les mensonges qui furent émis à
propos de l’Afrique et des Africains. C’est eux, comme le dit le poète
Haki Madhubuti, qui défient la peur, plutôt que de courber l’échine sous
son poids. Ils sont par là, la référence absolue, pour ce qui est du
courage et de l’engagement.
A la grande conférence de 1974 organisée
par l’UNESCO sur « le peuplement de l’Egypte Ancienne, » au Caire, deux
Noirs, Diop et Théophile Obenga, ont déchiré le rideau de la crainte et
de la soumission et quand ils ont fini de présenter leurs conclusions,
ils avaient déconstruits tous les mensonges qui étaient habituellement
proférés au sujet des Africains. En faisant appel à la science, à la
linguistique, à l’anthropologie, à l’histoire, ces deux géants
intellectuels ont démontré que les Anciens Egyptiens étaient des Noirs.
Ils ont fait usage d’un test relatif à la mélanine sur la peau d’une
momie, aux peintures murales des tombes, à la comparaison avec les
autres langues africaines, ainsi qu’aux témoignages des Anciens.
Un fait pour moi est très intéressant :
Le fait que les Anciens Grecs en savaient beaucoup plus que les
Européens d’aujourd’hui. Ces derniers, en effet, se perdent dans
d’interminables conjectures, au sujet du fait que les Anciens Egyptiens,
bien avant la venue des Grecs, Romains, Arabes et Turcs en Egypte,
étaient Africains, c’est à dire Africains à la peau noire.
Aristote, le philosophe, a écrit dans
son livre, Physiognomonica, que « les Ethiopiens et les Egyptiens sont
excessivement noirs. » Hérodote ajoute que les Anciens Egyptiens avaient
« la peau noire et les cheveux crépus. »
La couleur des Anciens Egyptiens importe
peu ; cela ressurgit parce qu’on trouve toujours un Blanc qui adhère à
l’idée selon laquelle les Africains ne peuvent pas avoir construit les
pyramides et sûrement pas d’ailleurs… des Africains Noirs. Bien sûr,
tout le monde devrait savoir que les Egyptiens étaient des Africains,
mais le fait est qu’ils n’étaient pas seulement Africains, ces
Egyptiens-là avaient la peau noire et les cheveux crépus.
La philosophie commence tout d’abord
avec le Peuple Noir de la Vallée du Nil aux alentours de 2800 avant
J.-C., c’est à dire, 2200 ans avant Thalès de Milet, considéré comme le
premier philosophe d’Occident. 30 000 ans plus tôt, nos ancêtres
séparaient l’ocre rouge du fer, dans une grotte du Swaziland. Ils
devaient avoir une certaine idée de ce qu’ils étaient en train
d’accomplir. Il y avait forcément une sorte de procédé par lequel nos
ainés choisissaient ce qui devait être utilisé, dans quel but et à
quelle occasion. Ainsi, même avant l’écriture, nous avons une preuve que
les Africains étaient animés par des discussions signifiantes à propos
de la nature de leur environnement.
Molefi Kete Asante est l’un des universitaires contemporains qui compte le plus grand nombre de publications. Il a écrit plus de soixante-dix livres et plus de 300 articles.
Texte traduit de l’ anglais par Iterou Ogowè.
Pour plus de références : www.asante.net